Un réseau sophistiqué de transfert illégal de capitaux vers l’étranger vient d’être mis au jour par l’Office des changes. Ce mécanisme, reposant sur des sociétés créées au nom d’étrangers et opérant dans des secteurs tels que l’import-export et le textile, aurait permis le détournement de sommes considérables vers des paradis fiscaux, sous couvert d’activités commerciales régulières. Une enquête de grande envergure est actuellement en cours.
Selon des sources proches du dossier, le réseau s’appuyait sur des sociétés établies notamment à Tanger, Casablanca et El Jadida. Ces structures, bien que légalement constituées, étaient dirigées par des ressortissants étrangers, principalement Français et Turcs, enrôlés comme prête-noms.
Ils étaient chargés de gérer les entités et d’ouvrir des comptes bancaires au Maroc, facilitant ainsi les transferts de devises à l’international sous une apparente légitimité.
Les membres du réseau de transfert illicite ont pris soin de régulariser les situations fiscales et douanières des sociétés concernées, s’acquittant de leurs obligations dans les délais. Ce professionnalisme en transfert apparent leur a permis d’opérer sans attirer l’attention immédiate des autorités.
Des montages frauduleux révélés par les contrôles
Cependant, des anomalies significatives ont été décelées lors des contrôles menés conjointement par l’Office des changes, l’Administration des douanes et impôts indirects, et la Direction générale des impôts. Les enquêteurs ont constaté que les recettes issues d’exportations n’étaient pas rapatriées comme l’exige la réglementation, mais transférées vers des comptes offshore.
Par ailleurs, certaines entreprises impliquées ont été identifiées comme ayant gonflé artificiellement leurs factures d’importation, en collaboration avec des fournisseurs basés en Europe, en Asie et en Amérique du Sud. Cette pratique permettait de justifier la sortie de devises en volumes plus importants, tout en dissimulant les écarts dans des comptes établis dans des juridictions opaques.
Une riposte coordonnée et renforcée
Face à l’ampleur des opérations suspectes, l’Office des changes a initié une coopération étroite avec l’Autorité nationale du renseignement financier (ANRF) afin de recouper les données disponibles sur les entités concernées et leurs partenaires étrangers. L’objectif est de remonter les circuits de blanchiment utilisés et d’évaluer le niveau d’organisation transnationale du réseau.
Un contexte de durcissement des contrôles de transfert
Cette affaire intervient alors que le Maroc renforce son dispositif de surveillance des flux de devises. Récemment, l’Office des changes a revu à la hausse les plafonds des allocations de voyage à l’étranger jusqu’à 10.000 dirhams par an pour les séjours touristiques ou professionnels, et jusqu’à 300.000 dirhams pour les contribuables soumis à l’impôt sur le revenu.